L’impact de l’intelligence artificielle sur l’art

Et si, en quelques clics, vous réalisiez votre portrait à la manière de Raphaël, de Camille Claudel ou de Paul Cézanne ? À moins que vous ne soyez plus sensible au style de Niki de Saint Phalle ? Avec l’essor de ChatGPT et d’autres logiciels de création de contenu, toutes productions artistiques semblent possibles ou presque… Car l’impact de l’intelligence artificielle sur l’art divise les opinions et nous oblige à reconsidérer nos pratiques. Ensemble, découvrons les enjeux de ces nouvelles technologies faisant entrer l’Art dans une nouvelle ère.

L’utilisation de l’IA dans le milieu artistique, une palette de nouvelles possibilités

L’IA offre aux créatifs l’opportunité d’inventer d’autres façons de représenter le monde selon leurs sensibilités respectives. Un atout majeur pour reconsidérer ses propres pratiques et développer sa fibre artistique !

L’émergence de l’intelligence artificielle dans l’art, une énième révolution

Depuis quelques décennies déjà, l’IA s’est développée et a pris une place importante dans notre quotidien. En témoigne la multiplication des outils comme les réseaux sociaux, la réalité augmentée ou encore les reconnaissances vocale et faciale.

L’intelligence artificielle constitue alors un outil à fort potentiel pensé et créé pour assister l’être humain dans diverses tâches. Et sans grande surprise, l’art n’y échappe pas. D’ailleurs, dans ce domaine, les IA s’inscrivent dans une continuité de révolutions artistiques. Au fil du temps, les techniques et les médiums employés par les artistes ont évolué et se sont multipliés.

C’est ainsi qu’au XIXe siècle, la photographie prend place aux côtés des toiles des peintres avant-gardistes et notamment des Impressionnistes. Aujourd’hui, ce sont les logiciels d’intelligence artificielle qui s’ajoutent aux feuilles de dessin, aux tablettes tactiles et à l’impression 3D pour ouvrir le champ des possibles.

Parmi les favoris, on retrouve, entre autres, DALLE-2, Midjourney, Imagen, Bing Image Creator ou encore GANs Algorithm. Un panel de beaux bijoux (ou joujoux) numériques permettant de réaliser des prouesses artistiques. À condition de réussir à bien les utiliser…

La collaboration Homme-machine, c’est tout un art !

À l’évidence, les logiciels d’intelligence artificielle constituent de fabuleux outils d’appui à la création… si et seulement si, les utilisateurs savent exactement comment formuler les consignes afin d’obtenir les résultats escomptés.

Tout l’art réside donc dans la façon d’écrire les prompts pour diriger l’IA. Autrement dit, la créativité n’est plus manuelle, mais textuelle, voire orale. Cette nouvelle approche nécessite alors d’incorporer de la sensibilité dans le guidage de l’IA ou plutôt des IA. Car il existe une diversité d’intelligences artificielles fondées sur des modèles de langues performants ou pas. En l’occurrence, s’adresser à une IA peut se révéler plus ou moins ardu.

Outre le langage à proprement parler, c’est aussi l’apprentissage de la machine qui rentre en ligne de compte. En effet, pour que l’intelligence artificielle soit en capacité de produire une création ou un résultat quelconque, elle doit avoir assimilé une grande quantité de données : reconnaître les couleurs et les formes ; associer des noms aux objets… C’est donc l’être humain qui, au préalable, assure cette étape essentielle ; celle d’entraîner l’IA de manière intensive et approfondie. En langue anglo-saxonne, on parle de deep learning.

L’IA, un outil de création artistique innovant

L’IA, de plus en plus performante, promet de repousser les limites de l’inventivité dans plusieurs disciplines : arts visuels, musique, littérature. Déjà, en tant qu’artiste ou adepte des outils numériques high-tech, vous pouvez :

  • décupler votre créativité et votre productivité ;
  • ouvrir des horizons inédits afin d’innover ;
  • enrichir de nouvelles formes d’expression artistique.

Ces perspectives transforment les générateurs de contenus artistiques en solutions pratiques, ponctuelles, ludiques, et même « challengeantes ». En rompant les habitudes, l’IA génératrice devient parfois un agent perturbateur. Elle incite en effet les artistes amateurs et les professionnels à se confronter à de nouvelles pratiques.

Ces outils offrent alors une occasion rêvée aux usagers de se renouveler, d’autant qu’ils sont à la portée de tous. Seulement, faut-il aussi que chacun parvienne à en faire bon usage, de manière raisonnable et raisonnée…

Autoportrait fait par une IA
Autoportrait de Van Gogh peint par l’IA Copilote de Bing Creator (O. Chatellier)

La génération automatique d’œuvres par l’IA, un sujet à controverse

Bien que l’intelligence artificielle accomplisse d’indéniables prouesses artistiques, elle ne fait pas l’unanimité auprès du genre Homo. Dans la société, elle ne cesse de semer le trouble et de devenir source de débats.

Les créations générées par l’IA peuvent-elles être considérées comme des œuvres ?

L’émergence des nouvelles technologies dans l’art suscite des craintes, dont celle de voir l’IA générative remplacer l’être humain. En réalité, les logiciels se nourrissent de la créativité humaine pour produire de nouvelles œuvres d’art reconnues comme telles ou pas. 

« […] C’est une question difficile, qu’est-ce que l’art et qu’est-ce qui ne l’est pas ?», Boris de Munnick, porte-parole du Mauritshuis Museum (Pays-Bas).

Citation issue de l’extrait vidéo réalisée par l’agence d’information AFP, « Une jeune fille à la perle version IA fait débat», le 10 mars 2023.

Cette interrogation fait directement écho à la polémique entourant le chef-d’œuvre de Johannes Vermeer revisité selon l’imaginaire du créateur numérique Julian van Dieken.

à Et vous, que pensez-vous de cette Jeune fille à la perle version IA ?

De manière générale, un tel questionnement revient à se demander ce qui, fondamentalement, détermine le « beau ». En d’autres termes, quelle production est acceptable dans les (beaux) arts et pourquoi ? Ces questions s’avèrent ardues. Elles dépendent en effet de la sensibilité de chacun et du concept même de « beaux-arts » perpétuellement redéfini.

Pour autant, les arts numériques font partie intégrante des « beaux-arts », au même titre que la peinture, la sculpture, la photographie et bien d’autres encore. Pour cette jeune fille 2.0, force est d’admettre que le fruit de cette collaboration entre l’artiste et l’IA atteint presque la perfection. Un constat objectif qui est loin d’être unanime et systématique quand on regarde certaines créations hybrides. 

Les défauts et les lacunes dans le processus de création, à qui la faute ?

Pour produire des contenus visuels ou sonores, l’intelligence artificielle se base sur l’existant, tantôt de qualité, tantôt médiocre, voire faux, et même dangereux. En fonction de la valeur des données exploitées, l’IA parvient à générer un résultat plus ou moins cohérent à la demande qui lui a été formulée.

Parfois, l’erreur est à deux doigts de passer inaperçue… Jusqu’à ce que l’on prête attention aux infimes détails. L’exemple le plus typique concerne justement la représentation d’une main humaine à six doigts, au lieu de cinq. Ainsi, l’IA tente de combler les imperfections ou les incohérences par elle-même en faisant preuve de maladresse.

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est incroyablement puissante. Cependant, elle comporte encore nombre de lacunes, notamment au sujet des femmes artistes. À titre d’exemple, on constate que la solution « Copilote » de Bing Creator possède une méconnaissance assez vertigineuse des peintresses et de leur univers créatif respectif. Alors, à qui la faute ? Sans nul doute à l’être humain qui, le premier, invisibilise le travail des artistes féminines dans l’espace public. Un constat réel qui se répercute dans le monde virtuel. Ce résultat sans appel reflète et interroge nos propres modèles de société. 

autoportrait de Frida Kahlo par l'IA
Création décevante, générée par une IA (Copilote de Bing Creator) à partir du prompt :
« Robot peignant son autoportrait, avec la mention “Ceci n’est pas une œuvre d’art”, à la manière de Frida Kahlo » (O. Chatellier).

Les dérives plurielles de l’IA dans le domaine artistique, quelles sont-elles ?

L’autonomie croissante de l’intelligence artificielle couplée à la manipulation malveillante de certaines personnes peut avoir de lourdes conséquences : infox, contrefaçons, spéculations, détournements. Les exemples de dérives et les polémiques qui y sont associées abondent, et ce, dans divers domaines artistiques.

Exemples d’images « made in AI » comme sources de désinformation

Parmi les plus connues, citons les images déroutantes montrant le pape en doudoune blanche bling-bling et Emmanuel Macron en éboueur. Par leur incroyable réalisme et l’absence de sources, ces supports iconographiques, massivement relayés sur Le Net, sèment le doute et participent à la désinformation.
Alors comment faire ? Observer et scruter le moindre détail afin de déceler des erreurs plus ou moins grossières : problèmes anatomiques, objets déformés, textes illisibles ou incohérents, anomalies contextuelles…

Image IA du pape Francois
Fausse image du pape en doudoune blanche, Midjourney.

Duperies et abus dans la littérature

Dans le monde littéraire, on retient notamment le cas de Rie Kudan, écrivaine japonaise lauréate du prestigieux prix Akutagawa. Mais après la récompense, vient le moment des révélations. En 2024, l’autrice annonce avoir utilisé ChatGPT à hauteur de 5 % pour produire son roman « La Tour de la compassion ».

Un très faible pourcentage en comparaison de ceux qui utilisent l’IA à l’échelle industrielle pour publier 3 romans par jour sur des plateformes d’auto-édition.

Des prix en hausse dans le marché de l’art

L’émergence de l’IA dans l’univers artistique a bousculé le marché de l’art. Elle soulève en effet de nombreuses interrogations sur nos modes de production et de consommation.

Outre les multiples expositions valorisant les œuvres créées par l’intelligence artificielle, les ventes de ces créations atteignent des records vertigineux. À titre d’exemple, l’impression sur toile Edmond de Belamy, portrait d’un personnage fictif créé par une IA, s’est vendue 432 500 dollars chez Christie’s en 2018.

Quand la musique rime avec détournements

Et que dire des productions sonores, tout aussi déroutantes ? D’ailleurs, peut-être avez-vous déjà entendu quelques duos insolites de chanteurs disparus ? La possibilité de recréer des voix sans le consentement d’artistes, vivants ou décédés, est bluffante, mais elle menace leur statut.

C’est d’ailleurs le point crucial qui a été soulevé par la chanteuse Angèle dont la voix a été imitée par une IA. La star belge, à la fois surprise et stupéfaite, s’interroge en découvrant la fausse reprise de la chanson Saiyan réalisée par un producteur à son insu.

Dès lors, ces productions d’un nouveau genre soulèvent des questions délicates d’ordres éthique et juridique.

L’impact de l’intelligence artificielle sur l’art, synonyme de casse-tête juridique

Dans l’état actuel, il reste encore beaucoup de points à éclaircir sur le plan juridique et législatif. Ce travail s’annonce complexe et de longue haleine, tant ces nouvelles technologies évoluent rapidement et de manière exponentielle.

La génération automatisée de contenu, un véritable flou artistique

Malgré les exemples et les initiatives évoquées précédemment, l’utilisation de l’IA reste partiellement encadrée par la législation. De quoi susciter une avalanche de questions, parfois philosophiques, auxquelles il est encore difficile de répondre…

Fondamentalement, une IA peut-elle créer une œuvre qui soit qualifiée d’« originale » ? Peut-on même admettre qu’une intelligence artificielle puisse créer alors qu’elle est dénuée d’émotions, de sensibilité et d’imaginaire ?

En matière de créativité, ces concepts ne sont-ils pas l’apanage des êtres humains ? Peut-on se proclamer artiste et signer de son nom une œuvre générée avec l’IA ? Aussi, est-il possible d’être propriétaire d’une création que l’on a produite avec l’aide d’une intelligence artificielle ?

Et quel statut doit-on réserver aux productions générées par ces nouvelles technologies ? Doivent-elles seulement en avoir un ?

De ce flou artistique, découle un véritable flou juridique.

La nécessité de légiférer sur l’utilisation de l’IA dans le milieu artistique

Afin de faire face aux nouveaux enjeux qui bouleversent le milieu artistique, des axes de réflexion sont développés pour encadrer la :

  • propriété intellectuelle et les droits d’auteur ;
  • responsabilité engagée des fournisseurs, exploitants et utilisateurs ;
  • protection des données et de la vie privée des usagers ;
  • publication et la vente d’œuvres générées par l’IA.

À noter que la législation varie considérablement en fonction des régions du monde.

Certains pays comme l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà adopté le copyright afin de protéger les contenus créatifs issus de l’IA. 

En France, les créations assistées par des intelligences artificielles, considérées comme de simples outils, pourraient être élevées au rang d’œuvre d’art et protégées par des droits d’auteurs. En revanche, ce statut ne s’appliquerait pas aux productions générées spontanément par des machines autonomes, pour lesquelles le droit sui generis pourrait être envisagé.

Ce dernier permet aux producteurs de bases de données de contrôler l’extraction et la réutilisation de leurs contenus selon certaines conditions. Cette réglementation permettrait alors de récompenser les efforts humains, matériels et financiers investis dans l’élaboration de ce type d’outil.

Somme toute, la législation relative à l’IA est soumise à l’épreuve du temps, aux exigences respectives des pays et des organisations intergouvernementales comme l’Union européenne.

👉 Vous souhaitez connaître les dernières normes législatives sur le sujet ? Consultez le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’intelligence artificielle

Les points importants à retenir :

Dans ce contexte de transformations numériques importantes, l’émergence et la démocratisation de l’IA génératrice de contenus occupent une place prépondérante dans nos sociétés.

Certes, cette révolution technologique présente des atouts indéniables, mais elle provoque aussi de véritables chamboulements dans le monde artistique et au-delà. En effet :

  • L’arrivée de l’intelligence artificielle permet d’écrire une nouvelle page de l’Histoire de l’art intitulée « Art AI ».
  • L’IA génératrice de contenus incite à se questionner et à redéfinir nos rapports à l’art. 
  • Les œuvres générées par des logiciels sont le fruit d’une intelligence humaine nécessitant d’obéir à un cadre juridique afin de prévenir les abus.

Ces répercussions s’étendent à grande échelle, touchant également les sphères politique, éthique, juridique, et même écologique. Il en va de la responsabilité des gouvernements, des entreprises et des utilisateurs qui doivent exploiter l’IA dans les règles de l’art (actuelles et à venir).

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Oriane CHATELLIER, Consultante et Rédactrice Web SEO.

Image de couverture : IA Dalle.

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