Dans le domaine de l’art et du patrimoine, boucler son budget peut s’avérer difficile. Faire évoluer son modèle économique se révèle souvent nécessaire dans un contexte où les sources de financement sont de moins en moins certaines. Vous envisagez de diversifier vos ressources en faisant appel à la générosité ? Vous voulez savoir comment faire ? Voyons ensemble comment réussir votre recherche de mécénat culturel.
Mobiliser le mécénat sous toutes ses formes
Qu’attendre du mécénat ? Cette contribution financière peut être de trois ordres : financière, en nature ou de compétences. Cette variété représente une véritable occasion de diversifier les profils de donateurs qui ne peuvent pas tous fournir une aide numéraire.
Le mécénat financier
C’est la forme la plus courante. Quatre-vingt-huit pour cent des sociétés philanthropiques indiquent la pratiquer, selon le Baromètre 2022 du mécénat en France. Elle présente l’avantage d’être très facilement mesurable, aisément mobilisable et souple.
Ce choix a été opéré par l’entreprise de traitement de déchets Big Bennes. Elle est devenue en 2024 le premier mécène culturel du conseil départemental de Seine-et-Marne. Son apport permet à la collectivité de déployer la nouvelle muséographie du Château de Blandy.
Le mécénat en nature
Concrètement, il s’agit d’un don ou d’une mise à disposition de matériel, de locaux, de véhicules, de denrées ou encore d’œuvres d’art. Cette modalité de soutien reste moins connue, mais est tout à fait adaptée pour des mécènes de proximité. Elle leur fournit en effet un moyen de valoriser auprès du public leur expertise ou leurs produits.
Un exemple de mécénat en nature ? Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux bénéficie de nuitées offertes par les Hôtels Mercure pour l’accueil des invités de la programmation culturelle.
Le mécénat de compétences
Avec ce troisième type de contribution, l’entreprise met à disposition du temps de travail d’un ou plusieurs de ses salariés.
Lorsque l’on mène une activité culturelle, ce concours fournit une source précieuse de savoir-faire dont on ne dispose pas toujours. Pour la structure donatrice, il représente un levier RH puissant axé sur le sens des missions et la promotion des talents internes.
Ernst & Young, cabinet de conseil et d’audit financier, a déployé cette approche du mécénat. Il l’effectue sur son cœur d’expertise, mais pas uniquement. À titre d’exemple, une partie de son équipe de développement durable apporte son savoir-faire au festival Solidays pour leur démarche de soutenabilité. Les collaborateurs mobilisés analysent, pour l’évènement, les consommations énergétiques ou encore les modes de transport des spectateurs.
Retrouvez notre guide sur le financement de la culture
Vérifier l’éligibilité au mécénat
Avant de vous lancer dans la recherche de mécénat culturel, assurez-vous d’être autorisé à en percevoir. Comment faire ? Vérifiez que vous répondez aux quatre conditions cumulatives posées par le cadre légal.
Œuvrer dans un domaine d’intérêt général
La loi liste précisément les champs couverts (art. 238 bis du Code général des impôts). Pour ce qui relève de la culture, l’organisme bénéficiaire doit avoir un caractère :
- culturel ;
- de mise en valeur du patrimoine artistique ;
- de diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;
- philanthropique ;
- éducatif ;
- et/ou scientifique.
Exercer une activité non lucrative et non concurrentielle
Les critères de vérification de cette qualité sont les mêmes que ceux utilisés pour l’assujettissement aux impôts commerciaux ou à la TVA.
Les sociétés sous forme commerciale, comme les SARL, les EURL ou les sociétés anonymes, sont inéligibles par nature.
Quatre questions sont utiles pour apprécier le caractère non lucratif d’une activité :
- Le besoin auquel elle répond est-il peu ou pas pris en compte par le marché ?
- S’adresse-t-elle en priorité à un public dont la situation sociale en limite l’accès ?
- Ses prix favorisent-ils l’usage du service en comparaison avec ceux pratiqués par les entreprises privées ?
- L’organisme recourt-il à de la publicité commerciale, en dehors des appels à la générosité ?
Les activités de votre structure y répondent positivement ? Elles relèvent donc de l’utilité sociale et sont non lucratives.
Disposer d’une gestion désintéressée
Selon ce critère, la structure doit être administrée bénévolement par ses membres. Ces derniers ne doivent pas tirer d’avantages du fait de leur statut. La question se révèle délicate pour les associations qui rémunèrent leurs responsables. Ce cas est admis s’il s’inscrit dans les limites fixées par la loi.
L’activité ne doit pas profiter à un cercle restreint de personnes
Cette condition peut être exprimée simplement de la manière suivante : tout individu intéressé peut bénéficier des services proposés.
Liste indicative des organismes culturels pouvant faire appel au mécénat
Les principales structures aptes à solliciter du mécénat pour financer leur action culturelle sont :
- l’État et les collectivités locales à la condition que les dons soient spécifiquement affectés aux opérations éligibles ;
- les associations (en particulier celles reconnues d’utilité publique) ;
- les fondations ;
- les fonds de dotation ;
- les Musées de France du fait même de leur label ;
- les établissements d’enseignement artistique.
Vous souhaitez vérifier et sécuriser la capacité de votre organisation à percevoir du mécénat ? Sollicitez auprès de l’administration un rescrit fiscal. Sachez que la direction départementale des finances publiques dispose d’un délai de 6 mois pour statuer.
Notez que pour les structures non labellisées, la vérification des critères légaux s’impose, avec une particularité pour les lieux d’exposition d’art contemporain.
Bilan 2022 de la Fondation du patrimoine
En 2022, la Fondation du patrimoine a collecté 78,5 millions d’euros, en baisse de 23 % par rapport à 2021. Malgré cette diminution, elle a soutenu 3 092 projets et attribué 1 780 labels pour la restauration d’édifices privés non protégés, renforçant son engagement en faveur du patrimoine français.
Source : chiffre clés 2023 de la culture et de la communication
Identifier les organismes et personnes à solliciter dans votre recherche de mécénat
Vous avez déterminé les opérations à soutenir et vérifié l’éligibilité de votre structure. Désormais, vous devez trouver des bienfaiteurs. Qui peut être mécène ? Quels sont les profils les plus adaptés à votre projet ?
Les entreprises mécènes
Plus de 100 000 entreprises privées pratiquent le mécénat, tous domaines confondus. Parmi elles, selon le Baromètre 2022 du mécénat en France, 37 % déclarent intervenir dans le secteur de la culture. Elles soutiennent particulièrement les opérations de diffusion (spectacles, concerts, expositions) et la sauvegarde du patrimoine matériel.
Les contributions très importantes attirent souvent l’attention. Dans la grande majorité des cas, pourtant, les dons restent inférieurs à 10 000 €. Rares sont donc les structures culturelles qui s’appuient sur un seul mécène.
De plus, les entreprises privilégient les actions et les projets locaux. Pensez ainsi à vous adresser aux PME et TPE de votre territoire.
Inspirez-vous du festival des Eurockéennes. Son inscription de longue date au sein du tissu économique local lui permet de bénéficier de plus de 150 mécènes. Cet apport de financements privés couvre 15% de son budget.
Les fondations
Une fondation est un organisme de mécénat au sein duquel s’associent des donateurs qui mettent en commun une partie de leurs biens ou ressources.
Il en existe plus de 5 000 en France, en comptant les fonds de dotation. Près d’un cinquième intervient dans le domaine de l’art et du patrimoine, selon l’Observatoire de la philanthropie.
S’y retrouver n’est pas toujours facile. Aussi est-il utile de se référer aux guides existant en la matière. Celui publié par l’Admical, association en faveur du mécénat industriel, s’avère particulièrement pertinent.
Mobiliser cette ressource nécessite :
- d’identifier les fondations dont les objectifs sont cohérents avec le projet à financer ;
- de réaliser une veille des concours et appels à projets qu’elles déploient.
En effet, chacune dispose de ses propres modes de fonctionnement.
Par exemple, la Fondation Crédit Agricole Pays de France intervient dans la sauvegarde du patrimoine culturel et a adopté une démarche en deux étapes. Chaque demande est d’abord étudiée par des correspondants régionaux qui procèdent à une première sélection avant l’approbation du Conseil d’administration. C’est ainsi que l’association du Théâtre du Peuple a bénéficié en 2021 d’un appui financier pour la rénovation de son plateau de scène.
Les particuliers
N’hésitez pas à faire appel à la générosité des particuliers. Plusieurs possibilités existent.
Il est tout à fait réalisable de solliciter la contribution des particuliers même sans projet spécifique à financer. Vous pouvez alors présenter cette option sur votre site internet dans une catégorie « nous soutenir », aux côtés du mécénat d’entreprise. De nombreux musées procèdent ainsi. Des associations porteuses d’évènements culturels y recourent également, comme le festival de théâtre d’Anjou. Communiquer régulièrement sur ce dispositif, en particulier avec l’appui de la presse locale, représente une bonne manière d’obtenir des résultats.
Pour une action spécifique, mener une opération d’appel aux dons est tout indiqué. Le Musée du Louvre a très bien su valoriser son intervention en la matière avec « Tous mécènes ! ». Ces campagnes de financement participatif conviennent particulièrement à la logique patrimoniale. Ainsi, la ville de Saint-Brieuc a acquis la fresque sculptée « Joint français 72 » grâce à 146 contributeurs mobilisés au travers d’une plateforme en ligne. La collection du musée municipal accueille désormais cette œuvre monumentale retraçant une lutte sociale marquante de la région bretonne.
Convaincre et fidéliser ses mécènes
Pourquoi devient-on mécène ? Certes, les dons effectués sont en partie déductibles des impôts. Mais ce bénéfice est loin d’être la seule et unique motivation des donateurs.
Informer sur les avantages fiscaux
Le mécénat ouvre droit à une réduction fiscale de 60 % de la somme versée pour les entreprises et de 66 % pour les particuliers.
En cas de contribution en nature ou de compétences, celle-ci doit être traduite en un montant financier. C’est le donateur qui procède à ce calcul.
Quelles sont les obligations pour les organismes bénéficiaires du mécénat ? Elles sont au nombre de deux :
- Produire un reçu fiscal pour chaque donateur. Le service des impôts a développé des modèles de formulaire pour les particuliers et pour les entreprises. Vous avez la possibilité de fournir ce document soit à la demande de vos mécènes, soit de manière automatique.
- Déclarer les dons perçus à l’administration fiscale avant chaque fin d’année. La structure bénéficiaire doit indiquer :
- le montant global des dons ayant donné lieu à l’émission d’un reçu ou d’une attestation ;
- le nombre de documents délivrés dans l’année.
Donner du sens au geste philanthropique
Les entreprises mécènes qui soutiennent la culture avancent trois raisons principales :
- Ce domaine de philanthropie fait écho aux goûts du dirigeant ou à l’histoire de l’établissement.
- Le soutien à la vie culturelle représente pour elles un levier important d’attractivité du territoire.
- Ce type d’engagement participe à consolider l’image de marque de l’entreprise.
La recherche de mécènes implique donc de mettre en avant les points forts de votre projet :
- ses objectifs artistiques, patrimoniaux mais aussi sociaux ;
- son impact pour la population et le territoire ;
- ses valeurs.
Dotez-vous d’un argumentaire et adaptez-le à vos outils et modalités de communication avec vos potentiels soutiens : site internet, plateforme de financement ou publications.
Remercier ses donateurs
La logique qui prévaut au mécénat repose sur le don. Il ne donne pas lieu en principe à contrepartie pour le philanthrope, au risque d’être requalifié en parrainage. Une tolérance existe pour les formes de remerciement symboliques ou de faible valeur.
La contrepartie symbolique la plus courante consiste en l’apport de visibilité par l’apposition du logo des mécènes sur des supports de communication.
Matériel ou non, l’avantage octroyé au mécénat doit représenter une dimension bien moindre que celle du don. Son montant ne peut pas dépasser 25 % du soutien apporté. Une limite supplémentaire s’applique pour les particuliers : la valeur de la contrepartie doit être inférieure à 73 euros.
Voici quelques idées de gestes modestes : visites privées, tarifs préférentiels, organisation d’un temps dédié aux donateurs, invitation à des avant-premières, etc.
Pour les entreprises, qui doivent déclarer la valeur des contreparties reçues, il est conseillé de passer une convention de mécénat. Celle-ci permet de sécuriser la relation et de préciser les avantages perçus (nature, quantité, coût).
« Quand nous avons […] passé une convention de mécénat avec l’Opéra de Rouen, ce n’était pas pour que Matmut soit écrit en grand sur le rideau avant qu’il ne se lève, mais pour que nos salariés puissent bénéficier de places tout au long de l’année pour de l’opéra, des concerts classiques ou de la danse. » | Jean-Michel Levacher, directeur de la communication de la Matmut
Les contreparties ne sont pas à négliger. Les donateurs apprécient ces marques de reconnaissance, surtout quand elles apportent un sentiment d’appartenance au projet. Ils seront davantage enclins à renouveler leur soutien à l’avenir.
La recherche de mécénat nécessite d’en connaître les contours et les règles. Mais au-delà, c’est surtout un exercice de relation avec ses potentiels philanthropes qui nécessite de déployer des compétences en communication. Savoir s’adresser à ce type de financeurs est aussi tout art !
Gwendoline Lions pour Le Style est.