Tout ce que vous voulez savoir sur l’archéologie préventive en France

Chaque année, l’archéologie préventive permet la découverte de vestiges enfouis sous terre ou immergés dans les profondeurs marines. Depuis le 17 janvier 2001, elle est reconnue et encadrée par la législation. L’aménagement du territoire devient donc une opportunité d’approfondir notre connaissance du passé

Le fonctionnement de l’archéologie préventive pour les entreprises et les particuliers

L’archéologie préventive intervient généralement avant le démarrage de travaux de construction ou d’aménagement par des entreprises ou des particuliers.

Pour chaque projet d’aménagement, le particulier ou l’aménageur doit effectuer une demande de permis de construire ou une déclaration préalable de travaux. Le dépôt de permis d’urbanisme est ensuite transmis au Service régional d’archéologie (SRA) concerné pour instruction.

Le diagnostic

Les aménageurs comme les particuliers doivent tout d’abord transmettre leur projet d’aménagement à la mairie où les travaux sont effectués s’ils :

  • modifient le sol ;
  • rénovent des constructions anciennes ;
  • effectuent une étude du bâti.

Sur terre, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac), suivant la région, est chargée d’examiner le dossier. Tout projet d’aménagement localisé dans une ZPPA (zone de présomption de prescription archéologique) ou impactant plus de 3 hectares doit être en effet soumis à son avis.

Le projet concerne le domaine public maritime ? Le dossier est transmis au Département des recherches subaquatiques et sous-marines (Drassm) ou à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM).

Ces institutions se basent sur les données des risques liés à la découverte de matériel archéologique afin de prescrire un diagnostic.

À titre d’exemple, environ 8 % des dossiers d’aménagement ont mené à une telle prescription, soit à peu près 3 000 diagnostics prescrits en France.

Après réception d’un projet d’aménagement, l’État dispose d’un mois pour demander un diagnostic. L’objectif est de déterminer si :

  • des vestiges archéologiques sont impactés par le projet d’aménagement ;
  • il s’agit d’une zone archéologique sensible ;
  • une fouille est nécessaire.

Que font les archéologues pour déterminer si les travaux peuvent avoir lieu ? Ils effectuent des recherches documentaires, des sondages et de la prospection. Ceci afin d’estimer l’ampleur des vestiges potentiellement impactés. Ils utilisent notamment la carte archéologique. Les différents sites déjà découverts y sont recensés.

Le projet d’aménagement est considéré comme une zone sensible ? L’aménageur doit se rapprocher de :

  • l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ;
  • d’un service de collectivité territoriale habilité pour programmer un diagnostic ;
  • Ou d’opérateurs privés habilités.

Une fois le diagnostic terminé, voici les différentes étapes :

1) l’opérateur en charge du diagnostic envoie un rapport au SRA.

2) le rapport est transmis à l’aménageur. Il précise si une fouille est envisagée, ou si le projet d’aménagement peut se poursuivre sans recherche archéologique préalable.

3) les services de l’État ont trois mois au maximum pour prescrire des fouilles, si nécessaire.

Bon à savoir

Environ 1,6 % des dossiers d’aménagement du territoire mènent à des fouilles archéologiques (soit autour de 650 sites par an).

archeologie preventive sous-marine
Expertise d’un amas de voitures à bord de l’Alfred Merlin, Marseille (N. Baills)

Le choix de l’opérateur archéologique

Une fois émise, la prescription de fouille est adressée à l’aménageur. Un cahier des charges lui détaille les objectifs scientifiques et les modalités de mise en œuvre du chantier. C’est ensuite à l’aménageur de choisir l’opérateur. Ce dernier lance un appel d’offre ou une consultation.

Les opérateurs consultés remettent à l’aménageur un projet scientifique et technique d’intervention (PSTI). Celui-ci inclus :

  • un devis détaillé ;
  • un planning d’intervention ;
  • les conditions de réalisation.

L’aménageur communique à la Drac le PSTI retenu afin de vérifier s’il est cohérent par rapport à la prescription. Il conclut ensuite un marché avec l’opérateur retenu.

La fouille et l’étude post-fouille

L’opérateur est chargé de mettre en œuvre la fouille dans les délais souhaités par l’aménageur. Ce dernier reste maître d’ouvrage. L’opération fera l’objet de réunions de contrôle scientifique et technique par le SRA.

À l’issue de la fouille, un procès-verbal libère les terrains de la contrainte archéologique et permet la réalisation de l’aménagement.

L’étude des vestiges mis au jour (objets prélevés et relevés effectués) se poursuit ensuite durant quelques années. Les biens culturels sont ensuite déposés dans des musées ou conservés dans des centres de prévention et d’étude (CEE).

Les archéologues se doivent d’établir un rapport. Ce dernier sera évalué par la Commission territoriale de la recherche archéologique (CTRA) est remis aux services de l’État. Il est ensuite transmis au maître d’ouvrage. L’émission du rapport clôture la fouille archéologique sur les plans administratifs et budgétaires. Les résultats peuvent donner lieu ensuite à publication.

Passionné.e d’histoire ? Pensez à lire notre article sur les secrets de l’alchimie.

reserve archéologique
Réserve archéologique (N. Baills)


Les entreprises d’archéologie préventive agréées et habilitées par le ministère de la Culture

Le diagnostic doit être réalisé par un organisme public (Inrap, Drassm) ou par un opérateur habilité à réaliser des diagnostics. La fouille peut en revanche être confiée à un opérateur public ou privé.

Les opérateur publics

L’Inrap

L’Institut national de la recherche archéologique préventive est un organisme public du ministère de la Culture, mais aussi de la Recherche. Il est né en 2002, à la suite de l’application de la loi sur l’archéologie préventive (loi du 17 janvier 2001). Avant cette date, il s’appelait l’Afan (Association pour les fouilles archéologiques nationales).

Il est compétent pour les diagnostics et les fouilles, pour toutes les périodes et toutes les régions. Il intervient aussi bien sur terre que dans les zones maritimes. Il s’agit donc de l’opérateur qui a la plus grande zone d’action.

Le Drassm

Le département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines a été créé sous André Malraux, en 1966. Basé à Marseille, à l’Estaque, ce service à compétence nationale dépend du ministère de la Culture.

Le Drassm administre le patrimoine archéologique situé dans le domaine public maritime. Son domaine d’intervention ? Plus de 10 000 km de côtes. S’il gère les biens culturels immergés dans les eaux territoriales, il a un rôle d’expertise et de conseils pour les eaux douces (subaquatiques).

Son rôle ? Assurer la protection, l’étude et la mise en valeur des biens culturels maritimes (épaves de bateau, d’avions, de forêts préhistoriques ou tout objets présentant un intérêt historique).

valorisation patrimoine
Valorisation du patrimoine à Sanary (Sophie Rontard)


Les collectivités territoriales

Les services archéologiques des collectivités territoriales reçoivent une habilitation du ministère de la Culture. Toutefois, après avis du Conseil national de la recherche archéologique (CNRA). Ils doivent présenter un bilan tous les 5 ans.

En tant qu’organisme public, ils peuvent se charger des diagnostics et des fouilles selon plusieurs modalités. Leur rayon d’action est toutefois moins étendu que l’Inrap. Ils se spécialisent sur certaines périodes et ils ne peuvent pas établir de diagnostic sur une zone maritime.

La ville de Chartres fournit tous les renseignements nécessaires aux aménageurs où aux particuliers. Son site, dédié à l’archéologie, explique pas à pas comment procéder dans le cadre d’un projet d’aménagement sur sa zone d’action.

C’est le cas également de la ville de Bourges. Son service archéologique intervient jusqu’à 40 kilomètres alentour. Leur avantage est qu’ils connaissent très bien le territoire par rapport aux opérateurs nationaux ou régionaux.

Les opérateurs privés et les associations

Les entreprises privées effectuent les mêmes démarches que les collectivités territoriales pour réaliser des fouilles préventives. Leur agrément peut être restreint à certains territoires ou à certaines périodes, selon les compétences réunies au sein de la société.

Antéa

Cet opérateur privé intervient sur le grand quart nord-est de la France. Il réalise des chantiers sur toutes les périodes. Créée en 1998, l’entreprise a été la première à recevoir l’agrément du ministère de la Culture en 2005.

Archéodunum

Ce réseau de 5 agences emploie une centaine d’archéologues dans toute la France. La société, créée en 2006, a reçu l’agrément en 2009. Elle opère en France métropolitaine et en Outre-mer, sur les périodes allant du Néolithique à nos jours.

Archéopole

Créée en 1999 et agréée depuis 2005, cette entreprise réalise des prestations sur toute la France. L’expertise de ses agents s’étend de la Protohistoire aux Temps modernes. Leur zone d’action ? Le Nord de la France et la Région parisienne.

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Navire André Malraux pour les fouilles archéologiques Drassm (N. Baills)

Le financement des fouilles archéologiques préventives

Les aménageurs

Lorsqu’une fouille archéologique est prescrite, l’aménageur finance l’intervention de l’opérateur. Il peut alors demander des devis aux différents organismes. Il signe un contrat avec celui qui lui convient le mieux. L’aménageur reste le maître d’ouvrage de l’opération de fouille.

Le fond national pour l’archéologie préventive

L’aménageur peut demander une aide auprès du Fnap (Fond national pour l’archéologie préventive). En fonction de la modification du territoire prévue, l’État peut proposer une prise en charge totale ou partielle du coût de la fouille. Il peut également proposer une subvention.

La redevance d’archéologie préventive (RAP)

Les entreprises et les particuliers qui souhaitent effectuer des travaux doivent satisfaire trois critères pour payer la taxe d’archéologie préventive (TAP) :

  • les travaux nécessitent un permis de construire ou d‘aménager ;
  • l’aménagement modifie le sous-sol, même sur peu de profondeur ;
  • il s’agit d’une construction, d’une reconstruction, d’un aménagement ou d’un agrandissement d’un bâtiment.

Le calcul de cette taxe s’effectue selon :

  • le nombre de mètres carrés de l’aménagement ;
  • la valeur forfaitaire de la zone géographique concernée ;
  • le taux voté par la communauté territoriale concernée par la taxe.

L’archéologie préventive tient une place aussi importante que l’archéologie programmée dans notre exploration du passé. Elle profite des aménagements contemporains pour étudier des parties du territoire qui auraient été potentiellement ignorées. L’examen des projets et des rapports de fouilles préventives par les CTRA permet d’évaluer la pertinence scientifique de cette politique.

Alix Menez pour le Style est

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