Le septième art appartient à une industrie cosmopolite à la fois puissante et à l’équilibre économique précaire. En France, il a affiché une bonne santé en 2023, avec 181 millions de spectateurs1. Près de 40 % des billets vendus ont concerné des productions hexagonales, soit un peu moins que ceux réservés à la production américaine.
Si les œuvres cinématographiques de divertissement appartiennent à l’une de ses catégories les plus appréciées des spectateurs, un film peut également s’avérer utile. Le cinéma et la culture peuvent alors se nourrir l’un de l’autre. Au-delà des comédies qui ont façonné sa popularité, il permet en effet de promouvoir de nombreux domaines culturels.
Compte tenu de son accessibilité, notamment due à la force de l’image, il est un outil d’éducation de premier plan. S’il sert très largement la culture des pays qui le créent en la pérennisant, il doit aussi sa vigueur à des volontés politiques et économiques actives, notamment en France.
Le septième art permet de nourrir la culture
Les genres cinématographiques apparaissent très divers et nombreux : films d’aventures, historiques, musicaux, fantastiques, de guerre, de science-fiction, d’horreur, comédies, drames, péplums ou encore documentaires. La palette s’avère très large. Beaucoup d’entre eux établissent une passerelle très solide entre cinéma et culture. L’œuvre réalisée y devient une arme pour promouvoir un patrimoine et se pencher sur l’histoire des pays, petite ou grande.
Des œuvres du patrimoine mises en lumière par le cinéma
Différentes catégories de films permettent de mettre en exergue des valeurs culturelles nationales. Il s’agit en premier lieu de ceux qui adaptent des œuvres littéraires ou musicales. Ceux-ci représentent pour les spectateurs une opportunité, car ils sont une porte d’accès à ces trésors nationaux.
Sans ce cinéma, qui peut être considéré comme éducatif, la connaissance de nombreux arts resterait l’apanage de spécialistes. Grâce à l’existence des salles obscures, quel que soit le domaine traité, les patrimoines nationaux concernés sont mis en valeur.
Le septième art au service du patrimoine littéraire mondial
Les œuvres littéraires, parfois d’accès difficile, rebutent en effet de nombreuses personnes. Sans l’opportunité d’avoir été adaptées sur le grand écran, nombre d’entre elles n’auraient pas rencontré une large audience. Les exemples s’avèrent nombreux avec, notamment :
- Mort à Venise, L. Visconti (1971) ;
- Don Giovanni, J. Losey (1979) ;
- Cyrano de Bergerac, J.-P. Rappeneau (1990)
- Les illusions perdues, X. Giannoli (2021).
C’est également le cas du comte de Monte-Cristo, un roman d’A. Dumas de plus de mille neuf cents pages. Adaptée plusieurs fois sur grand écran, son histoire est très connue du grand public. Sans l’appui de celui-ci, ce classique de la littérature française n’aurait pas la même notoriété. Les liaisons dangereuses, le roman épistolaire de P. Choderlos de Laclos, a bénéficié du même traitement. D’accès difficile, son histoire a pourtant, par le biais de plusieurs adaptations cinématographiques médiatisées, intéressé de nombreux spectateurs. Sans elles, il serait resté une œuvre littéraire exigeante étudiée dans les écoles. Il en va de même de plusieurs romans anglais du XIXe siècle écrits par les sœurs Brontë, C. Dickens ou E.M. Forster.
Les oeuvres musicales et picturales démocratisées par le cinéma
Cette préservation du patrimoine, grâce aux salles obscures, touche également tous les types de musique et notamment l’opéra. Des réalisateurs ont notamment porté à l’écran des partitions de :
- W. A. Mozart (La Flûte enchantée, I. Bergman, 1975) ;
- G. Verdi (La Traviata, F. Zeffirelli, 1982) ;
- G. Bizet (Carmen, F. Rosi, 1984) ;
- G. Puccini (Tosca, B. Jacquot, 2001).
L’accès aux salles d’opéras reste encore aujourd’hui onéreux. La salle obscure tient pourtant un rôle de diffusion culturelle dans l’adaptation de ces œuvres lyriques. Avec ces longs-métrages, l’histoire de la musique devient accessible à davantage de personnes. Le cinéma y joue donc un rôle significatif, permettant à un large public de découvrir un répertoire plus confidentiel.
Des peintres célèbres tels que V. Van Gogh, H. de Toulouse-Lautrec, P .Gauguin ou J. Turner ont ainsi été promus. Il en est de même pour des artistes inconnus du grand public : S. Louis, portée à la connaissance du public (avec son prénom, Séraphine). Là encore, il s’agit d’une opportunité de découvrir un art, cette fois sans avoir à pousser la porte d’un musée.
La force de l’image propose donc un accès plus immédiat et plus aisé à de nombreuses créations artistiques. Elle offre ainsi aux spectateurs la possibilité de découvrir de multiples types d’œuvres culturelles. Ces dernières illustrent clairement le lien solide qui peut exister entre le cinéma et la culture.
Si le septième art contribue à élargir l’accès à la culture, il ne remplacera jamais l’authenticité de la visite des lieux culturels et des musées. Il est une preuve de plus de la richesse culturelle de la France.
La présence de l’histoire dans le septième art
Le rôle éducatif des longs-métrages s’avère déterminant pour raconter le parcours d’un peuple ou l’évolution d’un pays.
L’histoire des pays et de ses héros, l’occasion de fresques sur le grand écran
À titre d’exemples, certains films retracent les pages fortes d’un pays :
- Gandhi, R. Attenborough (1983) ;
- Il était une fois en Amérique, S. Leone (1983) ;
- Adieu ma concubine, C. Kaige (1992) ;
- La reine Margot, P. Chéreau (1994).
Ils sont aussi l’occasion de redécouvrir des personnages qui ont contribué à l’histoire d’une nation (N. Bonaparte, Ch. de Gaulle, W. Churchill). Si le traitement qui est opéré par un réalisateur peut toujours être contesté, il permet a minima d’avoir un accès simplifié à leurs racines. Sans Le dernier empereur, de B. Bertolucci (1987), que saurions-nous de la fin de la dynastie des Qing ? En plus de raconter le destin d’un homme, ce long-métrage constitue également un grand hommage à l’histoire de la Chine.
Les films de guerre, pour raconter les périodes émancipatrices de certains pays
Il s’agit des longs-métrages racontant des périodes qui ont contribué à écrire l’histoire d’un pays. Ils s’avèrent être une porte d’entrée à la culture de ceux qui ont dû se battre pour obtenir leur libération, leur émancipation ou leur indépendance. La guerre du Vietnam, par exemple, a donné lieu à plusieurs longs-métrages qui ont marqué le septième art :
- Voyage au bout de l’enfer, de M. Cimino (1979) ;
- Apocalypse Now, de F. F. Coppola (1979) ;
- Platoon, d’O. Stone (1987) ;
- Full Metal Jacket, de S. Kubrick (1987).
Ces œuvres ont très largement contribué à approfondir cet épisode douloureux de l’histoire des États-Unis. Avec La 317e section (1965), Le Crabe-tambour (1978) et Diên Biên Phu (1992), P. Schoendoerffer apporte, de son côté, un témoignage précieux sur la décolonisation française.
La Seconde Guerre mondiale, quant à elle, a donné lieu à de très nombreuses fictions destinées à rappeler le sort des différentes nations engagées dans ce conflit.
Les films sociaux ou sociétaux, témoins des mutations rencontrées par un pays
Il est question ici de narrer la petite histoire d’un pays, sociétale ou sociale. Le septième art devient alors un le témoin d’une époque ou de son évolution. À travers sa large production, il prend en effet le pouls des différentes ères qu’il traverse. Cette culture sociale aide à leur compréhension.
Certains réalisateurs se sont d’ailleurs spécialisés dans les sujets sociétaux :
- K. Loach ;
- S. Lee ;
- les frères Dardenne.
Les films d’A. Kechiche, franco-tunisien, brossent de leur côté la difficile intégration en France de jeunes issus de l’immigration. Ils constituent des témoignages sociaux culturels essentiels à la compréhension de la société et à ses mutations.
D’importants moyens politiques ont été mis en place, notamment en France. Ceci afin de donner une grande force à la diffusion de cet outil culturel qu’est le cinéma. En plus d’aides financières essentielles à la survie du cinéma, à travers le monde, de très nombreux événements lui permettent d’avoir une visibilité maximale. Avec un objectif : en faire une arme pour promouvoir au maximum le patrimoine culturel des nations concernées.
Cinéma et culture, une volonté politique
Il existe une politique, perpétrée en France depuis la Renaissance, consistant à promouvoir les arts. C’est l’exception culturelle française, dans un pays qui accorde au septième art une place sans équivalents dans le monde, notamment en matière de subventions.
De façon plus large, aux quatre coins du globe, de nombreux festivals et cérémonies couvrent l’activité cinématographique mondiale. Ces représentations s’avèrent un puissant moyen de lui rendre hommage et de mettre en lumière des patrimoines très éclectiques. Notons également qu’il existe des résidences d’artistes qui accueillent des scénaristes et des réalisateurs.
Les différents modes de financement du cinéma français
Sous l’égide de ministres de la Culture comme A. Malraux et J. Lang, notamment, les longs-métrages hexagonaux ont été particulièrement soutenus.
Cet apport financier s’explique par une industrie cinématographique économiquement vulnérable : la rencontre d’un film et d’un public reste incertaine. De plus, les gains de productivité réalisés s’avèrent notoirement faibles, avec pour conséquence de fréquents déficits financiers.
Le CNC, aujourd’hui Centre national du cinéma et de l’image animée, s’est dès lors avéré déterminant. Créé en 1946, il s’agit d’un établissement public rattaché au ministère de la Culture. Sa principale mission ? Gérer le Compte de soutien à l’industrie cinématographique.
Ce compte se compose de taxes :
- sur les entrées en salle (la TSA) ;
- sur les recettes des chaînes de télévision ;
- sur les supports vidéo.
Il s’occupe également des dotations accordées par le ministère. En outre, de nombreux organismes (plus d’une centaine) rattachés au CNC apportent une aide substantielle au septième art. Il s’agit notamment :
- de l’Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) ;
- de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) ;
- des Sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica).
L’ADRC, une aide à l’implantation des salles obscures en province
Elle tient un rôle primordial dans l’implantation des salles de cinéma en province. Créée en 1983, elle subventionne en effet la diffusion des films dans des cinémas dits « de proximité ».
Cette politique de soutien financier permet de favoriser la création et le fonctionnement de structures d’art et d’essai. Elle permet, de surcroît, de pérenniser leur implantation à proximité des grandes agglomérations.
L’IFCIC, pour faciliter le financement des entreprises culturelles
Il a pour mission de garantir partiellement, auprès des banques, des crédits à court terme. Ceux-ci sont octroyés à des entreprises de production et de distribution de films. Il les aide également, en cas de besoins plus permanents, à obtenir des crédits à moyen terme.
Les Sofica, un autre investissement avec des réductions d’impôts à la clé
Leur fonctionnement est issu d’une charte signée avec le CNC, en 1985. Ces sociétés investissent des sommes dans la production cinématographique nationale. Financées sur des fonds privés, elles donnent droit à des réductions d’impôts.
Notons que le rôle du CNC n’est pas uniquement financier : il s’est en effet très largement engagé sur la question de l’impact environnemental et de la transition énergétique dans le septième art.
La France, contrairement au modèle anglo-saxon, subventionne donc largement sa politique culturelle : cette dernière représente en effet près de 1 % du budget de l’État. Sans l’octroi de ces aides, nombre de ses films ne pourraient être produits.
La diffusion des créations du septième art se fait également à travers l’organisation régulière de manifestations culturelles. Celles-ci sont destinées à exposer le plus possible les œuvres issues de l’industrie cinématographique.
De nombreuses actions ponctuelles afin de pérenniser un art précaire
Pour que le septième art puisse rayonner dans le monde, il doit être diffusé et promu. Des événements régulièrement organisés constituent à ce titre une appréciable vitrine.
Les festivals de cinéma et les récompenses, une mise en lumière annuelle du cinéma mondial
Au premier rang des manifestations figurent des festivals, cérémonies et initiatives dont les plus importants sont :
- les festivals de Cannes, Venise et Deauville ;
- les cérémonies des Oscar, des César et des BAFTA (British Academy of Film and Television) ;
- des politiques culturelles incitatives.
Plus que toute autre manifestation, le Festival de Cannes constitue une vitrine incontournable pour la diffusion des films, quelle que soit leur provenance. Pendant dix jours, des courts et longs-métrages sélectionnés sont visionnés et commentés par les festivaliers et les journalistes du monde entier. Sont souvent choisies des œuvres narrant l’histoire d’un pays, d’un peuple ou mettant en exergue une réalité sociale.
C’est une opportunité d’accéder à des informations culturelles, des pans du patrimoine, à l’histoire sociétale d’un pays. À titre d’exemple, ont été primés par le jury :
- Mission (R. Joffé, 1986), sur les actions des Jésuites au XVIIIe siècle, en Amérique du Sud ;
- Elephant (G. Van Sant, 2003), illustration de tueries par un adolescent dans un collège américain ;
- Entre les murs (L. Cantet, 2008), traitant des difficultés, en France, d’un professeur de collège en zones d’éducation prioritaires (ZEP).
Des cérémonies dédiées au septième art viennent également récompenser une fois par an les longs-métrages de l’année écoulée. Les Oscar, les César ou les BAFTA remettent ainsi en lumière les productions jugées les plus marquantes par la profession. C’est également l’occasion de donner une chance à des œuvres qui n’ont pas encore trouvé leur public.
Au-delà de la distribution de récompenses, ces prix ont surtout été créés à des fins économiques : inciter le public à voir ou revoir des films. Et, par là même, soutenir l’industrie cinématographique et aider à la diffusion mondiale de ses contenus.
Des aides financières pour promouvoir l’achat des places de cinéma
Pour inciter le public à se déplacer dans les salles obscures, certains pays organisent également des journées à des tarifs de séances réduits.
En France, c’est le cas depuis 1985. L’État prend alors en charge, à cette occasion, une partie du billet du spectateur.
Le gouvernement a également créé le Pass culture, qui prend deux formes :
- une part collective, de la 6e à la terminale. Chaque élève bénéficie d’un budget octroyé à son école ou son lycée, en fonction de son effectif ;
- une part individuelle, de 80 euros cumulés, entre 15 et 18 ans puis de 300 euros supplémentaires, à utiliser entre 18 et 20 ans.
Ces sommes peuvent également être employées pour financer l’accès au septième art. Le lien étroit entre cinéma et culture s’y trouve donc affirmé et revendiqué par une volonté politique pérenne.
Enfin, dans les entreprises, il est possible de bénéficier du Chèque Ciné Universel (CCU). Il donne droit à des tarifs préférentiels dans les salles obscures. Plus l’entreprise commande de billets, moins son prix est élevé.
Vous l’aurez constaté·e, le cinéma et la culture sont indissociables. Dans un pays comme la France, cette association a d’ailleurs permis au septième art d’être beaucoup plus qu’un simple divertissement. À travers le monde, nous constatons qu’un film est avant tout synonyme d’accès, de découverte et de rencontres. Et une question s’impose à nous : quel autre art permet une telle transmission, et de façon aussi simple et universelle ?
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Hervé Brizay pour Le Style est.
Autres sources principales :
– site du ministère de la Culture ;
– Le cinéma comme instrument du dialogue des cultures, de Paul Warren ;
– L’économie du cinéma en 50 fiches, de Laurent Creton (Armand Colin) ;
– La culture cinématographique des Français, de J-P Brèthes ;
– Le cinéma : une mémoire culturelle, de Christophe Gauthier.