Le changement professionnel réussi en marqueterie et art du bois de Mylène Cave

Depuis la pandémie, de nombreuses personnes ont effectué une reconversion en métier d’art. On dénombrerait ainsi en France entre 70 000 et 90 000 entreprises liées à ces professions. Ce chiffre peut cependant fluctuer selon que l’on se considère artisan.es, artisan.es d’art ou artiste.

Nous avons donc interviewé Mylène Cave qui s’est reconvertie dans l’artisanat du bois après avoir vécu plusieurs vies. Dans cet article, nous allons parler des différentes étapes de sa reconversion professionnelle dans l’artisanat d’art. Quelles ont été ses difficultés, mais également ses plus grandes joies ?

Sommaire

Le parcours de Mylène Cave, jeune artisane d’art et artiste en marqueterie

Avant de parler de marqueterie, intéressons-nous au parcours impressionnant de Mylène.

En effet, cette dernière n’a pas toujours travaillé le bois, tant s’en faut. D’ailleurs, elle ne vient pas d’une famille bricoleuse.

Dans une vie antérieure, cette touche-à-tout était directrice musicale. Un métier artistique, me diriez-vous. Elle était également cheffe de chœur en musique actuelle. Elle a d’ailleurs obtenu un prix de conservatoire en hautbois. Enfin, elle possède un diplôme universitaire de musicienne intervenante.

Outre son talent de musicienne, notre jeune artiste a travaillé dans le milieu associatif comme chargée de production sur des festivals. Enfin, elle a été barista. Elle préparait et servait les cafés. Tout un art !

En 2016, patatras ! Elle quitte la musique afin de se reconvertir dans le travail du bois. Parce que Mylène aime rêver et concrétiser ses rêves, même les plus fous.

Mais pourquoi l’ébénisterie  ?

Mais pourquoi cette reconversion professionnelle en artisanat d’art, alors qu’elle n’était pas du tout bricoleuse ?

« Ma boussole, c’est mon intuition, c’est ma petite voix et je lui fais confiance à 100%. », m’avoue-t-elle.

Arrivée à la fin de son contrat de directrice musicale, elle sent qu’elle s’essouffle. Elle monte alors des projets avec des jeunes de 6 à 17 ans. Elle décide de se réorienter. Elle a envie en effet de travailler avec ses mains, de créer de nouveaux projets afin de se rapprocher de la nature. Et puis… de voyager.

En septembre 2015, c’est au détour d’une conversation avec une amie qui pratique la ferronnerie à Québec qu’elle a une révélation. Elle travaillera le bois ! Le Canada francophone manque justement d’ébénistes. Ils forment donc à ce métier en forte tension.

Dès le lendemain, elle effectue une recherche sur le Web et découvre une école d’ébénisterie d’art à Montréal. Elle s’inscrit et à sa grande surprise, sa candidature est retenue. Tout ceci en l’espace de dix jours !

Les planètes sont alignées ! L’aventure peut commencer, car Mylène est une fonceuse ! Même s’il faut aller au Canada.

Sa formation d’artisane d’art à Montréal

En 2016, notre future artiste part pour le Québec afin de se former à l’ébénisterie d’art. Elle y restera quatre années, le temps d’apprendre son nouveau métier.

La vie n’est cependant pas toujours un long fleuve tranquille. En effet, sa nouvelle formation n’a pas toujours été simple. Elle a dû se défaire de son identité de musicienne qui lui collait à la peau. Soudain, elle n’était plus personne.  

Réapprendre un métier, même à 26 ans, s’avère loin d’être évident.

Au programme de sa formation québécoise  ? L’ébénisterie bien sûr, mais également :

📐la restauration de meubles ;

📐la sculpture ;

📐le tournage sur bois ;

📐le dessin sur ordinateur ;

📐le design ;

📐la marqueterie ;

📐les finitions naturelles et au pistolet.

Elle a donc touché à une multitude de disciplines.

Combien lui a coûté sa formation ? Deux cent cinquante dollars l’année (à peu près 230 euros).

Oui, vous avez bien lu. Une somme dérisoire !

Il existe un partenariat France-Québec où les étudiants français disposent des mêmes conditions que les Québécois. Le but étant de pallier les problèmes de pénurie de main-d’œuvre au Québec. En vérité, la formation coûtait 12 000 dollars pour les étudiants étrangers.

Mylène ne s’est donc pas posé de questions. Et puis, elle travaillait à côté afin de payer ses frais.

Sa formation prend fin en 2020, en plein confinement. Son école ferme deux mois. Elle a donc effectué son œuvre finale la moitié du temps, dans sa chambre. L’autre moitié dans l’atelier d’un ébéniste-designer : Gildas Berthelot.

Il lui a construit un établi afin qu’elle puisse terminer son meuble.

Mais qu’est-ce que la marqueterie ?

Mylène Cave a donc réorienté sa carrière dans la marqueterie. Mais quel est ce métier d’art ? Cette technique artisanale, branche de l’ébénisterie, consiste à incruster ou à insérer divers matériaux sur des plaques de bois :

🖌️placage de bois

🖌️marbre ;

🖌️nacre ;

 🖌️ivoire ;

 🖌️tabletterie ;

 🖌️paille ;

 🖌️etc.

Ces incrustations permettent de former des motifs décoratifs ou des images. Cet artisanat d’art est utilisé afin de décorer des meubles, des panneaux décoratifs et d’autres objets de la vie quotidienne.

Cet artisanat fait partie des 198 métiers d’art et 83 spécialités répartis en 16 domaines, fixés par l’arrêté du 24 décembre 2015.

La marqueterie fait partie du domaine de l’ameublement et de la décoration. Il comprend également :

🔨 marqueteur de pailles ;

🔨 marqueteur de pierres dures ;

🔨 émailleur sur lave ;

🔨 mosaïste ;

🔨 doreur ;

🔨 poêlier ;

🔨 vannier ;

🔨 et d’autres métiers d’antan.

Mylène rénove également des meubles afin de leur insuffler une nouvelle vie.

art du bois Mylène Cave
Marqueteries de la collection Medusa et échographies de grossesse créées par Mylène Cave. Exposition au Château de Versailles, novembre 2023 (M. Cave).

Une vie de marqueteuse, mais pas au Canada

Après ses études, Mylène repart en France. Avant, elle s’est longuement interrogée. Se sentait-elle vraiment bien à Montréal ? Pouvait-elle se projeter dans sa nouvelle vie d’artisane d’art ?

Mais se pose-t-on la question lorsque l’on se trouve bien à un endroit ?

Lors du confinement, elle réalise que sa famille lui manque. Elle ne se voit pas faire sa vie au Canada sur la durée. En décembre 2020, elle fait ses valises et quitte le Québec pour Poitiers où elle a commencé ses études de musicienne intervenante.

Elle intègre une coopérative des métiers de la culture : le Consortium coopératif à Ligugé, près de Poitiers. Elle y trouve des créateurs et des créatrices, qui comme elle, désirent se lancer.

Un nouveau chapitre s’écrit en Belgique

Finalement, elle décide de partir en Belgique, pays qu’elle connaît bien. Elle s’y sent comme chez elle. Elle y a des amis. Elle travaille pendant un an comme chargée de production en cinéma-théâtre à Bruxelles. Elle ne renouvellera pas son contrat. Après tout, elle ne s’est pas formée pour rien, Mylène.

Marqueterie de Mylène Cave
Marqueterie de la collection Medusa en acajou, hêtre et chêne teinté, septembre 2023 (M. Cave).

Quelle définition donne-t-elle au métier de l’artisanat d’art ?

C’est en février 2023 que Mylène se lance véritablement dans la marqueterie. Elle va gravir les obstacles avec une force incroyable, recommençant jusqu’à ce qu’elle trouve une solution.

Qu’est-ce qu’un artisan ou une artisane d’art ?

Pour Mylène, l’artisanat d’art, c’est tout simplement un artisan ou une artisane qui fait de l’art.

Pour elle, la définition du mot « artisan d’art » est bien trop compliquée. Elle possède donc le label « artisanat certifié en Belgique ». Est-ce que cela l’empêche de se dire artisane d’art ? Pas du tout. Du moins en Belgique, car en France, c’est plus compliqué. On lui dit qu’elle n’a pas le droit de s’appeler artisane d’art sans le label.

Pourtant, Mylène se considère comme artisane et elle fait de l’art. L’artisanat d’art est en effet lié à des techniques de savoir-faire protégés, avec une transmission ancestrale. Il se transmet de génération en génération. Par ailleurs, ce n’est pas toujours un travail à la main. Elle s’est donc longtemps appelée artisane d’art. Désormais, elle préfère la dénomination d’artiste.

Artisan d’art ou artisane d’art ?

Lorsque Mylène entend des femmes qui se disent « artisan d’art », elle trouve que ce n’est pas juste. Pourquoi ne pourrait-elle pas se dire artisane d’art ? Parce que ce n’est pas crédible ? s’interroge-t-elle.

Pourtant, même si le mot « genré » au masculin pourrait paraître plus crédible, elle se considère en désaccord avec ce terme. Pour elle, la société change très vite. Il faut donc s’y adapter.

Les femmes reprennent une place qui a été très souvent mise de côté. Mylène trouve donc que c’est dans l’usage des mots que l’on peut participer à ce changement de société. Elle souligne toutefois que chaque personne se nomme de la manière qui lui semble la plus juste.

Mylène n’est pas une militante. Cependant, elle met un point d’honneur à dire qu’elle est une artisane d’art. Mylène aime remettre les choses à leur place.

Les sources d’inspiration de Mylène Cave : de l’Art nouveau aux artistes de son époque

L’Art nouveau

Mylène a découvert l’Art nouveau grâce à un projet qu’elle a entrepris en collaboration avec une amie, Audrey, rencontrée à Montréal. Elles travaillaient sur un jeu de tarot en marqueterie, le tarot ex-libris. Ce projet est d’ailleurs toujours en cours aujourd’hui. Le jeu sera visible lors d’une exposition à Namur en octobre 2024.

Elles ont commencé à se renseigner sur ce qu’étaient les ex-libris (signature de livres). Elles se sont questionnées sur les différents dessins qu’elles pouvaient reprendre dans l’utilisation des arcanes de leur tarot.

À force de recherche, Mylène a redécouvert, à travers ses illustrations, Alphonse Mucha. Elle a eu une révélation, même si elle connaissait déjà l’illustrateur avec Moët et Chandon ou Ruinart. Mylène est en effet Champenoise.

Pour sa dernière exposition à Londres avec l’ambassade de Belgique, elle a donc repris la septième allégorie du pater d’Alphonse Mucha, sur l’illumination. L’artiste n’a pas en effet illustré que des figures féminines. Elle a créé cinq versions complémentaires, de cinq essences de bois, en 65 par 95 centimètres.


📌Focus : l’Art nouveau

Ce mouvement artistique apparaît à la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Il intègre des éléments de la nature et des matériaux modernes (verre, céramique, fer forgé) dans l’art et l’architecture. À Bruxelles, par exemple, beaucoup de maisons s’inspirent de l’Art nouveau. Chaque élément a un but artistique.

Parmi les artistes de ce courant artistique, citons : Gustav Klimt, Hector Guimard, Émile Gallé, Margaret Macdonald Mackintosh ainsi que sa soeur, Frances Macdonald Macnair.


marqueterie mylene cave
Tarot Ex libris en marqueterie, collaboration Audrey et Mylène, 156 marqueteries en cours de création depuis mars 2020 (M. Cave).

Les artistes contemporains, de la peinture au tatouage

Mylène aime également les artistes de son époque, comme Yoann Lossel qu’elle admire beaucoup. L’artiste possède un univers très victorien, en s’inspirant des œuvres de Raphaël.

Il y a aussi Loïsh sur Instagram. C’est une femme qui confectionne des illustrations colorées.

Mais Mylène ne se cantonne pas uniquement à la peinture. Elle s’inspire également du monde du tatouage. Elle adore ainsi Gamin d’Eau Douce, un artiste lillois. Elle trouve ses croquis incroyables. Elle aimerait d’ailleurs faire une collaboration.

Toutes ces inspirations viennent d’artistes qui travaillent le mouvement dans leur création, comme Ryan Woodward. Il crée des animations en 2D tout en finesse, avec plein de mouvements, de couleurs et de poésie. Mylène aime les artistes qui s’inspirent de la nature et du monde féminin.

La journée type d’une artisane d’art

L’avantage d’être entrepreneuse selon Mylène ? Gérer ses horaires comme l’on veut.

Cependant, Mylène est très loin des 35 heures. Le curseur se situe plus entre 60 et 70 heures, voire plus.

Le seul luxe qu’elle s’accorde ? Aucun réveil.

Sa journée commence par un café puis la vérification de ses mails. Elle pense par ailleurs à ses prochaines créations.

Pour notre trentenaire, le matin est plutôt attribué aux travaux administratifs.

L’après-midi, elle se consacre à son atelier. Elle s’arrête lorsque, physiquement, elle ne peut plus travailler. Ses yeux se fatiguent trop où elle a trop mal à l’index à force de couper au scalpel.

Sa passion est telle qu’elle pourrait travailler plus de 10 heures, mais son corps refuse. Alors, lorsqu’elle le peut et qu’elle n’a pas de gros projet, elle alterne entre la rénovation de meubles et la marqueterie. Elle en profite pour écouter des podcasts.

Les ateliers partagés de Mylène

Mylène préfère travailler à l’extérieur de son domicile afin de marcher un peu et de sortir de chez elle. Elle a donc intégré des ateliers partagés.

L’atelier L’Ad Hoc à Bruxelles

L’atelier L’Ad Hoc abrite un collectif de scénographes. Il se compose de scénographes, céramistes, d’un marionnettiste accessoiriste, d’une traductrice et des créateurs qui vont, qui viennent ou qui s’installent.

Mylène a passé un an et demi dans ce collectif où elle s’est éclatée. Elle possédait un atelier de marqueterie là-bas, mais il lui manquait un atelier à bois avec des machines. Elle a donc décidé de déménager dans un autre atelier, à Namur, où elle vient d’ailleurs d’emménager.

Le Hang’Art de Namur

Le Hang’ Art est également un lieu partagé de travail créatif. On peut y trouver, autre qu’une marqueteuse :

🎭 deux vitraillistes ;

🎭 des bijoutiers ;

🎭 un luthier ;

🎭 une rembourreuse de meubles ;

🎭 une tisseuse ;

🎭 un artiste scientifique ;

🎭 des photographes ;

🎭 des illustrateurs ;

🎭 des peintres.

L’atelier bois étant à l’abandon, Mylène a proposé de s’en occuper. Elle s’est donné pour mission de proposer des ateliers d’initiation autour du bois : marqueterie et travail du bois.

Oeuvres de Mylène Cave salon de Versailles
Collection de 12 marqueteries inspirées des oeuvres de Frances MacDonald MacNair, créées par Mylène en 2021, exposées au Château de Versailles en novembre 2023 (E. Fohlen).

Les clients idéaux de Mylène

Le client idéal pour Mylène ? Une personne avec :

👧 un budget illimité ;

👧 une idée conceptuelle qui a du sens et de l’émotion ;

👧 des valeurs ;

Avant de parler d’une fonction, elle aime en effet savoir ce que ses clients ont envie de transmettre à travers cette œuvre. Ce sont en effet ces valeurs qui vont guider la conception de l’œuvre.

Lorsque la personne a déjà quelques idées, elle lui crée un tableau d’inspiration avec ce qu’elle aime. Elle réfléchit à des idées et les développe dans son esprit. Elle fait ainsi plusieurs propositions.


Les nouvelles technologies dans son travail de marqueterie

Mylène se sent plus artiste qu’artisane d’art. Il n’y a donc pas de contradiction à utiliser les nouvelles technologies pour son travail de création. Après la fin de ses études, elle a exploré les Fablabs où elle utilisait une découpeuse à laser.

Qu’est-ce que les Fablabs ?

Ce sont des ateliers de fabrication qui regroupent de nombreuses nouvelles technologies autour de la création.

Chaque Fablab est différent, mais le plus riche possédera :

✂️une découpeuse laser ;

✂️des imprimantes 3D ;

✂️des découpeuses à jet d’eau ;

✂️des thermoformeuses ;

✂️un espace de découpe vinyle afin de produire des pochoirs ou du lettrage ;

✂️des presses à chaud pour faire des t-shirts ;

✂️des brodeuses numériques

✂️des fraiseuses numériques.

Ces espaces de fabrication collaboratifs sont accessibles à tout le monde : professionnels, amateurs, artistes…

Vous souhaitez fabriquer un prototype ou plus simplement un cadeau original ? Vous pouvez venir dans un Fablab afin de le fabriquer.

Ces derniers proposent des formations afin d’apprendre les rudiments des machines. Vous êtes ainsi très rapidement autonome. Tout le monde ne possède pas, en effet, une découpeuse laser à 30 000 euros.

Le travail de Mylène au Fablab de Montréal

Mylène est donc arrivée au Fablab de l’École polytechnique de Montréal avec ses feuilles de placage épaisses de 0,6 millimètres. Mylène n’avait pas pris le travail le plus simple. Elle souhaitait utiliser le laser afin de découper ses feuilles, mais elle ne savait pas comment procéder. Pendant deux ans, elle a ainsi exploré la découpe au laser à l’Echo Fab et au Fablab du PEC.

Le Fablab des usines à Poitiers

Quand elle est retournée en France, elle a exploré le tiers lieu à Ligugé, près de Poitiers afin de créer ses propres techniques.

Au début, elle ne se sentait pas légitime. Elle avait en effet l’impression de s’écarter de cet art traditionnel en utilisant les nouvelles technologies pour découper sa marqueterie. Elle a donc réfléchi. Ce n’est pas parce qu’elle utilisait la découpeuse laser que la machine faisait tout à sa place. Elle avait en effet plusieurs semaines ou mois de travail après.

Dans l’imaginaire des gens, on pense qu’elle prend la feuille de placage, la place dans la machine, appuie sur le bouton et une marqueterie sort. Mais ce n’est pas le cas. Elle utilise la découpeuse laser lorsqu’elle a travaillé son dessin sur ordinateur pendant de nombreuses heures. Elle découpe ensuite sa feuille de placage. Pour cette opération, elle part en exploration. En effet, la découpeuse laser doit arriver à découper la feuille avec une finesse telle qu’elle devienne de la dentelle de bois. Une telle finesse ne serait pas possible à la main.

Un mélange de tradition et de modernité

Mylène crée donc ses propres techniques, un mélange de tradition et de modernité.

Elle vit ainsi avec son temps. Elle emploie tous les matériaux et tous les produits qui sont actuellement disponibles à notre époque.

Elle n’utilise pas de la colle traditionnelle de poisson, de peau ou d’os. Elle emploie une colle vinylique blanche, disponible dans tous les magasins.

Elle se sert également de l’intelligence artificielle afin de s’inspirer. Elle dessine ses propres créations, même si elle ne possède pas une formation de dessin. Elle ne sait pas, par exemple, dessiner des visages proportionnés. Elle utilise donc l’intelligence artificielle. Elle prend ainsi certains éléments et les redessine afin d’avoir des proportions correctes.

Pour Mylène, les nouvelles technologies sont importantes pour toucher de nouveaux publics. Mais également pour lui simplifier la vie. C’est là que les Fablabs demeurent intéressants.

L’étape de découpe à la scie à chantourner ne consiste pas, pour elle, en une partie de plaisir. Mylène a envie d’adorer ce qu’elle fait. Elle pense qu’il est important de s’épanouir dans son travail et de vivre aussi avec son temps. Ceci pour transmettre son savoir-faire. C’est pour elle une source d’inspiration inépuisable. Les traditions et les nouvelles technologies s’avèrent ainsi complémentaires.

Exposition marqueterie
Exposition de “The Enlightenment Path” et “Crémant Impérial” à Picadilly Circus, Londres, avec l’ambassade de Belgique. Oeuvres créées par Mylène Cave (M. Cave).


Les questions posées à Mylène sur son artisanat d’art

Quelle est la plus grande difficulté qu’elle rencontre dans son métier ?

Posséder 36 000 casquettes ! Pour Mylène, c’est en effet très compliqué de gérer son entreprise. D’ailleurs, ce n’est pas propre au métier de l’artisanat d’art. Tous les indépendants ou toutes les indépendantes se reconnaîtront.

Mylène a dû ainsi apprendre à :

 📌faire son site internet ;

 📌prendre des photos et effectuer leurs retouches ;

 📌communiquer sur les réseaux sociaux ;

📌comprendre comment fonctionnent les réseaux sociaux ;

📌effectuer le démarchage ;

📌compléter des dossiers pour des demandes de subventions ou pour des résidences d’artistes ;

📌gérer sa comptabilité ;

📌développer des nouveaux ateliers d’initiation ;

📌et bien sûr, produire.

Le souhait de Mylène ? Se consacrer uniquement à la création. Mais elle ne le peut pas. Pour elle, c’est un équilibre à trouver afin de ne pas s’épuiser comme beaucoup d’artisans.

Cependant, Mylène a de l’énergie à revendre. Elle n’a pas d’enfants et elle a donc du « temps » pour elle. Elle l’utilise donc à 100 %. Une fois qu’elle aura réalisé son envol, elle se dit qu’elle se consacrera pleinement à ses créations d’artisanat du bois.

Qu’est-ce que Mylène aime le plus dans son métier d’artisanat d’art ?

La conception ! Ce lien avec le sens et les matériaux qu’elle travaille. Il y a également l’étape finale où elle pose l’huile ou la cire sur sa marqueterie. C’est à ce moment-là que toutes les essences de bois sont nourries et que les couleurs de sa matière première apparaissent. Le plus fou pour elle ? Réaliser, une fois son travail fini, qu’il s’agit de son œuvre.   

Quelle est la qualité la plus importante dans son art ?

La persévérance ! Pour elle, il faut être patient avec soi-même et les autres. L’échec n’existe pas, car on apprend toujours de ses erreurs. On recommence jusqu’à ce que tout soit acceptable. Elle a parfois l’impression de ne pas avancer, mais l’artisanat, c’est un apprentissage tout au long de sa vie.

Comment inciterait-elle les jeunes à devenir artisan ou artisane ?

Pour Mylène, être artisan ou artisane est un désir qui se trouve à l’intérieur de soi. Tout le monde ne peut donc pas le devenir. Mais pour le sentir, encore faut-il l’explorer ! Elle a donc mis en place des ateliers d’initiation afin que les gens puissent voir si le travail du bois leur plaît. La marqueterie est-il un hobby ou plus ? Mylène n’incite pas. Elle met à disposition afin que le public se projette. Ainsi, elle les incite à se découvrir soi-même.

Salon versailles métier du bois
Mylène Cave au festival Fairespectives 2023 à la Grande Écurie du Roi du Château de Versailles 
(E. Fohlen)

Comment une artisane d’art communique-t-elle ?

Mylène communique sur Instagram et sur Facebook, mais pour l’instant, il lui  faudra encore un peu de temps pour que tout fonctionne bien. Elle y raconte son métier. De toute manière, ce qu’elle préfère, c’est discuter avec les gens. Elle aime les rencontrer et voir leurs yeux pétiller lorsqu’elle explique son processus créatif. Elle se nourrit de leur émerveillement. À travers son travail, elle rencontre des personnes qu’elle n’aurait jamais rencontrées.

Elle a aussi un site internet. Elle sait cependant que se faire connaître prendra du temps.

Elle démarche également des boutiques afin de vendre ses produits. Elle préfère d’ailleurs le contact direct plutôt que les plateformes de vente. Elle a essayé Etsy, mais elle a vite arrêté. Elle était en effet complètement noyée dans la masse. Elle n’aime d’ailleurs pas leur offre. Elle a beaucoup dépensé, mais sans retour. Mylène préfère donc se focaliser sur son site internet.

Les festivals et les salons

Mylène participe également à des salons et des festivals. Elle a d’ailleurs été invitée au festival Fairespectives, qui s’est tenu au Château de Versailles en novembre 2023. Celui-ci a mis en lumière des artisans et des artisanes d’art ainsi que des professionnels du patrimoine qui s’engagent dans la transition écologique.

Pourquoi a-t-elle été invitée à ce salon ? Parce qu’elle emploie des matériaux recyclés dans ses créations. Elle utilise en effet pour ses supports du bois recyclé.

Pour les meubles qu’elle rénove, elle récupère ceux que l’on met à la poubelle.

Mylène a également participé au Maker Faire de Rome sur l’innovation, la créativité et les nouvelles technologies.

Elle y a découvert une machine 3 D qui fabriquait des poteries en terre cuite. Elle s’est d’ailleurs beaucoup questionnée à ce sujet.

Pour Mylène, ce n’est pas le monde de demain, mais d’aujourd’hui. C’est donc important pour elle d’expliquer ce que l’on fait et comment on le fait.

Elle ne critique pas les nouvelles technologies, mais il faut se montrer honnête et l’annoncer aux consommateurs.

Vous aimeriez visiter ce salon : en savoir plus sur Maker Faire Rome, 12e édition.

artisane d'art en marqueterie
Mylène Cave, artiste en marqueterie et art du bois devant le Château de Versailles, novembre 2023 (M. Cave)

Quelles sont ses valeurs ?

Mylène essaie donc de récupérer, le plus possible, des matériaux recyclés.

Elle a toutefois conscience que ce n’est pas avec un meuble qu’elle va changer le monde. Toutefois, notre artiste fait sa part. Mylène espère ainsi inspirer d’autres personnes et participer, de cette façon, à un mouvement beaucoup plus grand.

Ce qui lui tient particulièrement à cœur ? La guérison à travers l’art ! Que ce soit à travers les messages véhiculés par son travail ou ses échographies en marqueterie. Ces dernières sont destinées aux parents qui ont perdu un enfant ou à des personnes qui veulent faire un cadeau original. Leur fabrication est longue, ce qui permet de faire leur travail de deuil. Pour Mylène, c’est une démarche qui fait sens.

On pourrait même la qualifier de guérisseuse, Mylène. Lorsqu’elle transforme un meuble, ne l’insère-t-elle pas dans la société ?

À travers son art, notre artisane d’art veut changer notre regard sur le monde. Elle répare afin de réintégrer l’objet dans la société et refaire circuler l’énergie. Il y a ainsi toute une démarche spirituelle derrière son travail.

Pour elle, tout est possible si l’on se fait confiance. Elle incite à croire en nous-même, car personne ne le fera à notre place.

Son conseil ? Écouter sa petite voix intérieure, même si c’est dur et que l’on sort de sa zone de confort. Oui, c’est douloureux, mais la vie ne l’est-elle pas ?

Elle porte ainsi le germe de l’espoir et de la guérison à travers son art. Elle ne peut pas se prétendre art-thérapeute, car elle n’a pas été formée. Cependant pour elle, l’art peut aussi guérir.

Quelle différence fait-elle entre artisane ou artisan et artiste ?

Pour Mylène, un artisan ou une artisane travaille avec ses mains. Il ou elle met en place des techniques afin d’arriver à un résultat.

En revanche, un artiste ou une artiste, c’est quelqu’un qui travaille des concepts et du sens. Ce n’est donc pas la technique qui est mise en avant, mais le sens.

Pour elle, les deux sont complètement liés. En effet, elle ne voit pas comment un artisan ou une artisane peut fabriquer des créations en mettant en place juste des techniques.

Mylène a décidé de s’appeler artiste parce qu’elle sort ainsi de toutes les catégories d’artisanat d’art. Sans cahier des charges à respecter, elle peut ainsi se permettre d’être libre. Cependant, elle reste une artiste de l’artisanat. Elle a vraiment envie de mettre l’accent sur le sens de ses œuvres.

De quelle façon Mylène peut-elle contribuer à l’image de son pays ou de son lieu de vie ?

Rappelons que Mylène est française, mais qu’elle vit en Belgique.

Elle a commencé à exporter l’image de son art à Barcelone et à Milan où elle contribue au rayonnement de son pays d’adoption. Elle a ainsi exposé à Londres à Picadilly Circus, à la Brussels Boutique. Ce projet a été mis en place par l’ambassade de Belgique qui regroupait 18 artistes sélectionnés de Bruxelles.

Mylène se sent pousser des ailes. Elle aimerait donc continuer dans cette voie. Elle souhaiterait également faire des résidences d’artistes à l’étranger. Son rêve ? Exposer en Asie afin de faire circuler ses expériences.

 

Que faudrait-il entreprendre pour rendre aux artisans-artisanes ou artistes leur juste place selon Mylène ?

De la pédagogie !

Quand un ébéniste ou une ébéniste facture une table à 1 500 euros, les gens ignorent tout le travail qu’il y a derrière. Dans l’imaginaire du public, l’artisan.e s’en met plein les poches.

Mais en fait, non ! Il faut en effet compter :

🎁 les 21% de TVA ;

🎁 les 20,5% de cotisations sociales ;

🎁 les matériaux, dont le bois qui a flambé ;

🎁 le temps de travail ;

🎁 le temps de conception et d’échange avec les clients ;

🎁 le temps de réalisation des devis ;

🎁les imprévus.

Sans compter le fait que les contrats ne viennent pas tous seuls ! Il y a en effet le temps pour se faire connaître à prendre en compte.

Au final, pour une table, l’artisan ou l’artisane gagnera 500 ou 600 euros. Et personne ne vit pendant un mois avec cette somme.

Une démarche d’éducation s’avère donc primordiale. Toutefois, les personnes ne sont pas toujours disponibles pour écouter ces explications-là. Pour elle, il faut donc mettre à disposition ces informations afin que les gens comprennent que les grands magasins de type Ikea cassent les prix. Comment un artisan ou une artisane qui fabrique des pièces uniques peut-il ou peut-elle rivaliser avec ces meubles ?

Ces produits affichent en effet des prix complètement déconnectés de la réalité. Il est donc important pour Mylène d’expliquer cette réalité-là.

Reconversion en métier d’art : une œuvre de Mylène Cave

Pour fabriquer ses cinq marqueteries “The Enlightenment Path”, inspirées du Pater d’Alphonse Mucha, Mylène a utilisé cinq feuilles de placages de couleurs différentes. Cerisier, Noyer, Érable, Chêne teinté et Acajou. Elle a coupé le même motif au laser, récupéré tous les morceaux, les a interchangés entre eux. Le résultat ? Cinq versions en positif-négatif, avec des couleurs différentes, correspondant à toutes les essences de bois.

Pourquoi a-t-elle choisi cette illustration-là ? Parce que Mylène adore les challenges !

Elle a choisi l’allégorie sur l’illumination spécialement pour l’année 2023 qui, pour beaucoup de personnes, a été chaotique. La symbolique de son œuvre ? Une métaphore du chemin de vie. La jeune femme représentée est protégée par son guide divin qui l’entoure de ses mains. Tout autour d’elle, des monstres la guettent. Ils représentent les épreuves de la vie, les imprévus, la toxicité de certaines personnes. Deux dragons l’entourent également. Cette illustration symbolise son chemin de vie apaisé et paisible.

Le message qu’elle a voulu porter : si on est protégé par sa foi, peu importe les épreuves de la vie. On peut avancer avec un calme intérieur.

Elle a ainsi effectué ce travail pendant cette période de chaos, de transition et de changement. Pourquoi ? Afin de se souvenir des épreuves traversées. Mais aussi pour s’ancrer. Pour Mylène, ce sont dans les moments les plus compliqués qu’il faut se connecter à soi-même et à ses croyances, quelles qu’elles soient.

Son mot de la fin ? Continuez votre chemin de vie sans perdre pied. La reconversion en métier d’art demande du temps, mais peu importe les épreuves, foncez !

Pour contacter Mylène, rien de plus simple. Vous pouvez la joindre grâce à sa page Linkedin, sa page Facebook ou Instagram. N’hésitez pas à aller faire un tour sur son site internet.

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