Si vous passez à Paris, dans le 3e arrondissement, venez découvrir la maison de Nicolas Flamel dans le quartier historique du Marais. C’est en effet la plus vieille demeure de Paris. Mais celle-ci se caractérise également par la notoriété de son propriétaire. Selon la légende, ce dernier perça les secrets de la pierre philosophale. Alors, mythe ou réalité ? Nicolas Flamel pratiquait-il vraiment l’alchimie ? Que pouvons-nous apprendre sur sa maison du 51 rue Montmorency ? Zoom sur ce trésor culturel de la Ville Lumière !
Nicolas Flamel, cet immortel
Si vous êtes fan d’Harry Potter, vous connaissez sans nul doute l’un de ses héros. L’alchimiste dans la saga de JK Rowling … C’est lui, Nicolas Flamel. Ce dernier a donc bien acquis l’immortalité grâce à l’alchimie. Mais peut-être pas de la manière que l’on pense.
La vie de ce notable parisien du XIVe siècle
Nicolas naît à sept lieues de Paris, peut-être à Pontoise (Val d’Oise) entre 1330 et 1340. Il habite dans la capitale où il exerce plusieurs métiers. D’abord écrivain public, puis libraire-juré de l’université de Paris.
Il vit confortablement grâce à son travail de copiste. Il travaille alors dans une petite échoppe accolée à l’église Saint-Jacques-la-Boucherie. Cette dernière est dédiée à la confrérie des bouchers. Un peu plus tard, il achète, en face de son magasin, une maison au coin de la rue des Écrivains et de la rue Mariveau. Aujourd’hui, rue Nicolas Flamel. Il y installe son commerce d’écrivain public et y habite. Cette demeure s’ornera, comme toutes ses constructions, de gravures et d’inscriptions religieuses.
Vers 1370, il se marie avec Dame Pernelle. Cette dernière, deux fois veuve, possède une fortune personnelle. Ils n’auront aucun enfant.
Puis Nicolas Flamel devient libraire juré. Peut-être peu avant son mariage avec Dame Pernelle. Il demeure chargé de vendre des copies de manuscrits sous la surveillance de l’université de Paris.
Dévots, les époux Flamel financent de multiples constructions religieuses dans la capitale. Ils achètent également des maisons afin de les louer.
Après la mort de sa femme, en 1397, Nicolas continue ses œuvres caritatives. Il contribue à l’érection de nombreux hôpitaux, églises, logis pour indigents et monuments funéraires. Ces constructions seront toujours décorées de la même manière : figures de saints, inscriptions religieuses ou versets de la Bible.
La mort de Nicolas Flamel
Nicolas meurt le 22 mars 1418. Entre 80 et 70 ans… Ce qui demeure déjà un bel âge pour la Renaissance. Il est inhumé au cimetière des Innocents, dans l’une des arcades qu’il a fait construire, puis son corps est transporté dans l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie auprès de sa femme. Les notables de l’époque étaient en effet inhumés à l’intérieur de l’église. Cette dernière n’existe plus aujourd’hui. Il ne reste que son clocher : la célèbre tour Saint-Jacques, non loin de l’Hôtel de ville (4e arrondissement).
Flamel laisse à sa mort un testament. Vous pouvez le parcourir sur Gallica : testament de Nicolas Flamel 22 novembre 1416. Du moins si vous connaissez bien le latin. C’est une copie de 1421 qui contient 37 pages.
Nicolas Flamel et son lieu d’inhumation
Au démantèlement de l’église, après 1797, les ossements de Nicolas et de Pernelle sont déplacés… cette fois dans ce qui sera leur dernière demeure : les catacombes de Paris. Ils font donc partie de tous les anonymes du gigantesque ossuaire.
Toutefois, un objet de la tombe de Flamel a survécu… Sa stèle.
La stèle de Nicolas Flamel
La stèle de Nicolas Flamel fut achetée par un antiquaire à une marchande de fruits. Elle sera ensuite rachetée par la ville de Paris en 1839. En 1845, cette dernière l’offre au musée de Cluny. Vous pouvez donc contempler l’épitaphe de Nicolas Flamel au musée du Moyen Âge.
La stèle (58 cm sur 44,5 cm) mentionne les dons de Flamel aux églises et aux hôpitaux parisiens :
« Feu Nicolas Flamel, jadis écrivain a laissé par son testament à l’œuvre de cette église certaines rentes et maisons, qu’il avait fait acquises et achetées à son vivant, pour faire certains service divin et distributions d’argent chaque an par aumônes touchant les Quinze Vingt, l’Hôtel Dieu et autres églises et hospitaux de Paris. Soit prié ici pour les trépassés. »
Le décor de la pierre tombale se compose de deux scènes, une en haut et une en bas :
- le Christ en buste tient un globe crucifère entouré du soleil et de la lune. De par et autre, saint Pierre et saint Paul.
- Nicolas Flamel en transi.
Le musée Carnavalet à Paris dispose d’un dessin à l’encre brune de la stèle de Nicolas Flamel. Dessin anonyme (D 17283).
La légende du bourgeois-alchimiste
La légende de Nicolas Flamel prend racine avec un livre. Une traduction du XVIIe siècle d’un ouvrage qui aurait été écrit par “l’alchimiste” entre 1399 et 1413 : « Les Figures hiéroglyphiques de Nicolas Flamel… ».
Qu’apprend-on dans cet ouvrage ? Que le libraire parisien s’intéresse à l’alchimie. Il aurait fait un rêve dans lequel un ange lui aurait montré un livre extraordinaire. Peu après, il aurait acheté à un étranger un livre intitulé « Abraham le Juif ». Cet ouvrage aurait contenu des gravures et des symboles alchimiques. Pendant des années, Nicolas aurait tenté de déchiffrer ce manuscrit, mais sans succès. Il effectue alors un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. En Espagne, il rencontre un savant juif, maître Canches. De retour à Paris avec Flamel, il meurt peu après. Puis Nicolas serait devenu riche. Apprenant la soudaine fortune de ce dernier, le roi Charles VI aurait mené une enquête. C’est alors que Flamel aurait révélé au maître des requêtes chargé de l’affaire la vérité : il aurait découvert le secret de la pierre philosophale.
Cette pierre possédait trois vertus. Elle permettait de :
- changer les métaux en or ;
- guérir les maladies ;
- rendre immortel.
Les inscriptions et les sculptures des monuments construits par Flamel ont aussi alimenté sa légende. C’est surtout le cas de l’arcade Flamel du cimetière des Innocents. Les alchimistes y ont en effet perçu les signes liés à leur enseignement. Ces inscriptions et ces décors se retrouvent également dans la plus vieille maison de Paris.
La maison de Nicolas Flamel dans Le Marais
Peu de vestiges a survécu à la mort de Nicolas Flamel. On dénombre sa stèle, son testament et une de ses propriétés : la maison de Nicolas Flamel dans Le Marais. Elle se trouve au 51 rue Montmorency, dans le troisième arrondissement de Paris. Elle fut construite après la mort de sa femme. Nommée « maison de Nicolas Flamel », elle ne sera jamais occupée par ce dernier.
Description de sa maison
La maison de Nicolas Flamel fut construite en 1407 comme l’atteste son inscription murale. Elle se composait à l’origine de deux étages. Elle se terminait par un haut pignon flanqué de cheminées, d’où son nom : maison au Grand-Pignon. La demeure surpassait en effet toutes les autres maisons du quartier. Le bâtiment donnait sur la rue. À l’arrière, on accédait à une petite cour avec un puits.
Le rez-de-chaussée de la maison servait de commerce à deux boutiques séparées par une porte centrale. Vous pouvez observer l’ancienne disposition sur la façade :
- deux fenêtres aux soupiraux ;
- trois portes, dont une centrale.
À l’intérieur, les deux boutiques étaient pourvues d’une cheminée. La porte centrale donnait sur un escalier en colimaçon. Ce dernier desservait les étages et le grenier.
Les étages servaient de lieu d’hébergement pour les indigents : ouvriers, sans-abris, étudiants. En gage d’hospitalité, Nicolas Flamel leur demandait une prière comme l’indique l’inscription.
Enfin des caves composaient le sous-sol.
Nicolas Flamel lègue par testament sa maison à l’église Saint-Jacques-la-Boucherie après sa mort. Il avait sans doute l’espoir de la voir servir d’hospice. Mais son vœu ne sera jamais exaucé puisque l’église louera la maison.
Aujourd’hui, le haut pignon n’existe plus, les cheminées avec. Les deux boutiques du rez-de-chaussée ont disparu. Elles ont été remplacées par un restaurant : l’auberge Nicolas Flamel. Première étoile au Michelin. Vous pourrez y manger dans un cadre agréable. Les poutres en bois au plafond vous rappelleront l’origine de la maison.
La demeure appelée maison de Nicolas Flamel a été classée en 1911 au titre des monuments historiques. Ce bâtiment ne fait malheureusement pas partie des maisons d’illustres.
Son décor
La maison de Nicolas Flamel dans Le Marais possède de nombreux points communs avec les monuments construits par Flamel. On y retrouve :
- ses initiales, « N » « F » ;
- des scènes religieuses ;
- sa représentation ;
- des inscriptions religieuses ou morales.
Si certains décors ont disparu, d’autres au contraire ont survécu aux affres du temps.
Les inscriptions de la façade
La façade de la maison a gardé quelques vestiges de l’époque, notamment une inscription. Elle a été restaurée par la mairie de Paris en 1900. Son restaurateur se nommait M. Selmersheim. La frise se trouve au-dessus des fenêtres et des portes du rez-de-chaussée. On peut y lire :
« Nous homes et femes laboureurs demourans au porche de ceste maison qui fu faite en lan de grâce mil quatre cens et sept, somes tenus chascun en droit soy dire tous les jours une pasternostre et un ave maria en priant Dieu que de sa grace face pardon aus povres pescheurs trespasses. Amen. »
En avant de l’inscription est gravée une main. Sans doute de Flamel. Elle marque son sceau.
Une autre inscription a été révélée par la restauration en 1929 : ora et labora. La devise de Nicolas Flamel. « Prie et travaille ». Ces épigraphes demeurent aujourd’hui altérées.
Sur les jambages, en dessous des cadres sculptés, ses initiales « N » « F ».
Enfin, sous les bas-reliefs sculptés, des lettres sont gravées. Rapprochées, ces lettres forment la phrase : D/E/O Gra/ti/as.
Au-dessous, on distingue des phrases du psaume : sit nomen domini (benedictum) ex hoc nune et usque in seculum gloria patri et filio et spiritui sancto (Amen)
Le décor sculpté
Les jambages de la maison sont ornés de sculptures. Ces dernières représentent :
- des personnages (saints, pélerins), dont probablement Flamel ;
- des anges musiciens.
Ces personnages sont représentés à mi-corps dans des cadres. Ces derniers décorés de colonnes et de lettres ornées.
Six personnages barbus, habillés de grands manteaux, coiffés d’un bonnet, sont représentés. Ils tiennent des phylactères. Des psaumes pourraient y avoir été gravés autrefois.
Un personnage imberbe se distingue des autres. Coiffé d’une sorte de turban, il pourrait s’agir de Nicolas Flamel. La sculpture se trouve au-dessus de la lettre « F ».
La porte centrale est entourée de deux jambages décorés d’anges musiciens. Ils jouent de l’orgue, de la lyre, de la cithare.
Ces bas-reliefs ont été dégagés lors de leur restauration en 1929.
D’autres décors ornaient la maison. Ils ont malheureusement disparu.
Le haut de la porte centrale était en effet décoré d’une scène représentant l’Adoration des Mages.
Au-dessus de l’inscription, un linteau en pierre représentait Flamel et le Christ. Ces derniers entourés de laboureurs à genoux. Selon l’abbé Villain (XVIIIe siècle) qui a décrit la scène, une femme aurait été également représentée : Pernelle ? (voir estampe plus haut).
Vous pouvez étudier des photos de la maison de Nicolas Flanel dans Monumentum. Carte des Monuments Historiques français.
La maison de Nicolas Flamel dans Le Marais a traversé les siècles. Et avec elle… son propriétaire. Nous pouvons donc dire que ce dernier a gagné son pari : celui de devenir immortel. D’ailleurs, Alexandre Dumas s’en est inspiré dans sa pièce de théâtre, La Tour Saint-Jacques.
Habile en affaires, il aurait fait fortune dans la vente et la location de ses maisons. Sans compter son métier d’homme de lettres et sa femme, qui possédait des biens. Mais la légende est tenace… À moins que cette dernière révèle une part de vérité. En effet, le secret de la pierre philosophale est peut-être sur le point d’être élucidé. En effet, une doctorante en histoire aurait trouvé en 2019 un carnet révélant le secret de la vie éternelle. Non pas de Nicolas Flamel, mais des alchimistes médiévaux britanniques John Dee et Arthur Dee, son fils. Déchiffrée par un mathématicien, la formule de la pierre philosophale est aujourd’hui aux mains des chimistes. Affaire à suivre…
Un peu de vocabulaire
Transi : À la fin du Moyen Âge, cette représentation du mort allongé est qualifiée de « transi ». Elle se distingue des gisants par son aspect de cadavre.
Crucifère : qui est orné d’une croix.
Phylactère : banderole sur laquelle demeurent inscrites les paroles des personnages représentés à l’époque médiévale.
Quinze-Vingts : hospice des Quinze-Vingts fondé par saint Louis vers 1260.
Pour en savoir plus
Etienne-François Villain qui a décrit les ornementations des bâtiments érigés par Nicolas Flamel : « Essai d’une histoire de la paroisse de Saint-Jacques-de-la-Boucherie où l’on traite de l’origine de cette église ; de ses antiquités ; de Nicolas Flamel et Pernelle sa femme et de plusieurs autres choses remarquables… », 1758. Un volume in-12 (17 cm x 10 cm), iv-326 pp.
Mes sources
Marcel Aubert. – La maison de Nicolas Flamel, rue Montmorency, Paris. Bulletin monumental, 1912.
Catherine Brut, Valentine Weiss. – La maison de Nicolas Flamel, in Dossier d’Archeologia, n° 371, 2015, p. 50-54.
Wikisource : Nicolas Flamel.
Encyclopédie Bordas : alchimie, Nicolas Flamel.
Encyclopédie Universalis : pierre philosophale.